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Ma promenade en Sombreforêt, par Robert Grossebière

 

MJthebosss                                                                                  Kaamos

 

 

Chapitre 1 : Une enfance au Blanc-Pays

 

         Ah, ça me fait rire d'écrire ce titre. Comme si j'étais l'un de ces vieux rats barbus qui passaient leur temps à gribouiller sur les peaux de mouton, là-bas dans le nord. D'ailleurs, les gens d'ici n'écrivent pas sur des peaux de moutons. Ils disent que ce serait gâcher de beaux moutons. Ils n'ont pu me donner qu'un carnet de papier, relié de cuir. « Du cuir gâché », je leur ai dit. Ils auraient mieux fait d'en faire une armure pour leurs petites personnes. Quoique, vu la situation où je suis, peut-être ferais-je mieux de ne pas frimer. Enfin, mon père m'a toujours dit que dans une histoire, il faut commencer par le commencement. Ça se transmet de générations en génération. Mon père n'a jamais compris ce que cela voulait dire, puisque le commencement, c'est l'endroit où on commence, donc il n'y a pas de commencement avant qu'on ait commencé.

 

         Vous vous dites peut-être que niveau réflexion, c'était pas un boss. Et pourtant, mon père était dans la classe instruite, là-haut dans le nord. C'est ce qui a pourri toute mon enfance. Comme tout enfant nordique, j'aimais courir et taper sur les autres, bref, m'amuser, quoi. Mon père trouvait ça trop barbare, à se demander si il vivait vraiment dans le même pays que nous; alors il a essayé de m'instruire. Il m'a appris à lire et n'a pas arrêter de me coller sous le nez de vieilles peaux de moutons qu'il disait instructives. Il voulait faire de moi son successeur,  un savant qui apprendrait aux nordiques à se cultiver. Sauf qu'avec moi, ça n'a jamais pris. Et quand vint pour moi l'âge de me trouver du boulot, je n'étais ni fort (enfin, selon les critères nordiques), ni très intelligent ou cultivé. Donc, pas de boulot.

 

         Mon père m'a proposé de me pardonner mes erreurs de jeunesse et de m'accepter tout de même dans sa guilde, qui recueillait des vieilles peaux de moutons à travers le pays pour en faire des « bibiothèques » (un mot impérial que mon père a gardé de ses études, faites dans l'Empire). Enfin, je dis guilde, c'est le mot que lui-même aurait employé. Moi, j'appelai ça « bande de trois pelés » et refusai d'y entrer. Alors mon père m'a déshérité et m'a coupé les vivres. C'est pour cela que je n'ai pas mis de nom de famille au titre de ce carnet. J'errai dans la neige, logeant chez des amis et vivant de petits boulots qui me venaient. C'est l'un de ces amis, chez qui je logeais depuis trois mois, qui trouva une solution à mon problème.

 

         Il s'était marié il y a peu et allait avoir un enfant, aussi il ne m'aurait pas étonné qu'il eut très envie que je dégage.

« Ulfric, me dit-il un matin d'une voix franche, j'ai trouvé du travail pour toi, par  Kikerd le marchand, tu vois qui c'est ? »

Il me raconta alors une salade affreusement compliquée, dont je n'ai rien compris ni retenu. Comme il a vu que je ne suivais pas, il a abrégé.

« Bon, en fait, Kikerd avait payé des assassins et j'ai réussi à obtenir de lui qu'il m'indique leur planque. Apparemment, ils cherchent des gens à engager. Donc t'as qu'à aller les voir, tu leur dis que tu veux rentrer dans leur guilde, et voilà ! C'est pas un boulot facile, mais je suis sûr que pour un mec intrépide comme toi ça ne posera pas de problème... »

Son plan semblait parfait, les petits boulots se faisaient de plus en plus rares, et la vie commençait à m'ennuyer. J'ai donc choisi de partir au plus vite.

 

 

Chapitre 2 : Un Discours Attendu

 

   Mon histoire débuta au Vert-Pays, la contrée qui accueillait mon peuple des halflings. Il s’agissait de collines verdoyantes et fertiles à perte de vue, avec quelques sympathiques villages les parsemant.

 Au Vert-Pays, nos maisons étaient des trous, percés dans ces collines, aménagés comme des maisons à part entière. Une ouverture circulaire faisait office de porte. Nous étions un peuple fier, malgré sa petite taille, mais pacifique.

Comment décrire un Halfling ? Eh bien, nous faisions peut-être un mètre vingt les bras levés, avec un peu de ventre, car nous raffolions de bonne nourriture. Nos pieds, durs comme du cuir, étaient recouverts de poils châtains et bouclés. Nous étions souvent habillés de vert ou de marron, nous possédions un œil vif et pétillant, et nos cheveux étaient toujours frisés ou bouclés.  Nous étions en général tolérants et pacifiques, mais cette histoire prouvera qu’il existât des exceptions à cette règle (moi !). Tenez, en parlant de moi… Je n’échappais pas à la taille habituelle des halflings, j’étais considéré comme assez athlétique par mes semblables, et j’avais une touffe brune sur la tête. La seule chose que nous, Halflings, ne pouvions pas supporter était les aventures, ces choses inconvenables et inattendues.

Nous menions une vie paisible et joyeuse. Nos années étaient parsemées de kermesses et de fêtes de tout genre : mariages, anniversaires, anniversaires de mariage…Nous en avions une par semaine, et, cette fois-ci, il s’agissait du mariage de Matadonne Bouque et de Dirc Coupebois. J’eus donc une belle invitation de la part de la famille Bouque, et me rendis sur la Clairière des Fêtes. L’endroit en question était au beau milieu d’un petit bois toujours vert et clair. Des tentes avaient été plantées pour l’occasion, afin d’abriter les cuisiniers. Une grande table, de peut-être trois cent mètres de long avait pris place au milieu des différents organisateurs et cantonniers qui veillaient à l’ordre et à la sécurité des convives. La totalité des villages alentour étaient vides, car tous allaient à la fête. Je venais moi-même du village de Garapatte, le plus petit, mais aussi le plus accueillant. La clairière était bondée, et j’aperçus Bobby Bouque, le frère de la mariée :

« Salut Bobby, lui dis-je. Comment vas-tu ? Tu as emporté ton briquet pour fumer ? »

 Et oui ! Chez les Halflings, nous aimons l’herbe à pipe, qui vient de nos plantations.

-Bien évidemment, me répondit-il. Et je t’en offre même un, comme cadeau de fête.

En effet, à une fête, il est pour coutume de beaucoup fumer d’herbe à pipe et d’offrir des cadeaux. Je le remerciai donc, et alla fumer à la table du banquet en attendant le discours du maire, Nialec Montedune. La femme de Bobby ne pouvait pas venir, et ce dernier s’ennuyait donc un peu.

Au bout d’une heure d’attendre le maire, les convives commencèrent à s’impatienter, et certains même quittèrent le mariage, mécontents d’attendre. L’heure du midi arriva, et la faim commença à se faire sentir. Mais où était le maire ? Certaines personnes commençaient même à penser qu’il avait eu une aventure. Nous ne pouvions pas commencer à manger sans lui, car ça aurait été extrêmement impoli.

 Finalement, le garde-champêtre m’ordonna d’aller le trouver à la mairie :

-Bébert ! Va-t’en chercher l’maire ! L’bougre est tellement en r’tard que l’mariage s’ra déjà fini !

J’acceptai, et demandai à Bobby Bouque, Balric Filfol, Tom Garalin, et Rewald Piquassiette de m’accompagner. Nous courûmes donc dans le village le plus vite possible, et nous avions fière allure, avec nos costumes de fête, et nos poignards décoratifs, en criant « place ! » aux gens qui traînaient ! Nous dûmes bien parcourir trois kilomètres avant d’arriver à notre destination. Finalement, nous y arrivâmes, à cette mairie. C’était la seule bâtisse à posséder un étage, et donc un toit. Malgré cela, la mairie des Collines Ondoyantes était nichée contre une colline, comme le voulait la mode. Avant de franchir la lourde porte de chêne, je demandai à Tom Garalin de surveiller la porte afin de ne laisser aucun curieux entrer. 

 

 

Chapitre 3 : Les Lames Glaciales

 

         Equipé seulement d'un baluchon et d'une vieille épée rouillée (un héritage familial que mon père avait failli jeter), je pris seul la route enneigée. Ça, c'était il y a environ un an. J'en avais alors 24. Je marchai de longues heures dans les montagnes avant d'arriver en vue du col de Kaas-Kou, sur le flan duquel devait se trouver le repère des assassins. Mon arrivée ne s'est pas passée tout à fait comme prévue. L'ascension du col à peine commencée, deux grands mecs, nordiques, sortirent des buissons et vinrent vers moi. Je leur dis ce que je cherchais, mais ils ne me crurent pas et m'amenèrent jusqu'à leur repère en me menaçant avec un poignard. Leur repère était une grotte, très étroite et discrète à l'entrée mais qui allait s'élargissant. Après avoir traversé quelques tunnels obscurs, nous arrivâmes même à une vaste salle.

 

         Elle avait gardé la forme arrondie que la caverne lui avait donnée naturellement, mais avait subi quelques aménagements. Premièrement elle avait une lourde porte en bois, par laquelle moi et mes guides entrâmes, secondement un long tapis rouge se déroulait depuis la porte jusqu'à un grand fauteuil fait d'une pierre si transparente qu'elle faisait penser à de la glace.  Sur ce fauteuil se tenait un grand nordique, habillé d'un plastron d'argent et d'une grande cape blanche, ses cheveux noirs (c'est peu courant dans notre peuple) tombants sur ses épaules.

« Qui est-ce ? demanda-t-il à mes gardiens d'un ton froid.

- Il montait vers le col, monsieur, dit le premier.

- Sans doute un voyageur égaré, dit le second.

- Il marchait droit vers notre repère.

- Une coïncidence.

- Cela, trancha sèchement l'homme assis sur le fauteuil, lui seul pourra nous le dire. »

Il tourna alors pour la première fois son regard vers moi. Ses yeux bleus clair me transpercèrent.

« Il s'appelle Ulfric, dit l'un de mes gardiens.

- Parfait. Pour quelles raisons êtes-vous venu ici, monsieur Ulfric ? »

La question semblait exclure la possibilité d'une coïncidence, à se demander si cet homme n'avait pas déjà lu la réponse dans mon cœur. Un silence tendu suivi ses dires. Je me rendis compte qu'il y avait plusieurs autres personnes dans la pièce, et que tous attendaient ma réponse.

« Hum...je voulais vous demander...si il serait...euh...possible, que...peut-être...je puisse rejoindre votre guilde. »

Deux réactions frappèrent successivement l'assistance : d'abord la stupéfaction, puis le rire tandis que leur chef (sur le fauteuil) reprenait la parole.

« On entre pas si facilement dans la Guilde des Lames Glaciales » dit-il d'un ton détaché. C'est alors que je remarquai son plastron : il arborait deux lames bleues et blanches croisées, avec du sang rouge sur la lame. Mon ami avait oublié de me donner le nom de la guilde.

 

         Alors la porte fut brusquement ouverte, et un impérial en armure de cuir entra en courant. Il passa devant moi sans m'accorder un regard et se précipita vers le chef, devant lequel il mit un genou en terre. Il était essoufflé et sa cape bleue était déchirée.

« Patron, s'écria-t-il, nous avons un problème !

- Que fais-tu ici Antioc ?

- Nous avons été attaqué par une troupe d'Hommes-Bêtes, dans la forêt de Kioul, au Sud d'ici.

- Où est Kros ?

- Il a réussi à s'enfuir avec le reste de l'expédition.

- Tant mieux. Tel que je le connais, il continuera la mission jusqu'au bout. Seulement...  Ulfric ! dit-il en se tournant brusquement vers moi. J'ai peut-être une mission pour vous. Suivez-moi. »

Il marcha alors jusqu'à une porte située derrière son siège, au fond de la grotte. Intimidé mais plutôt content, je le suivis dans une petite cavité, froide et dépourvue de tout ameublement.

« Bien. Ici nous pourrons parler sans être entendus. Il est de coutume, dans cette guilde, qu'aucun assassin ne connaisse la mission de l'autre, pour qu'en cas de capture, il ne fasse pas échouer toute l'expédition. Donc, une expédition a été envoyée au loin pour voler quelque chose. Je fais confiance à Kros pour s'en charger. Malheureusement il ne sait pas où amener l'objet du vol. Je ne peux pas vous dire où ils vont, par sécurité, mais vous devrez les attendre là. »

Il avait sorti de sa poche une vieille carte et me montrait un point situé très loin du Blanc-Pays, plus loin encore que l'Empire et les royaumes elfiques.

« Vous les mènerez à la grotte de la Vie Sans Tête, notre repère dans le sud. Je vous y retrouverai.

- Euh...Comment vais-je faire pour aller là-bas ? Je ne suis jamais sorti du Blanc-Pays et...

- Olaf vous accompagnera. Il a à faire dans le sud, lui aussi. »

Il me tendit alors une nouvelle arme, une épée courte d'assassin, et l'entretien s'arrêta là.

 

         Quelques heures plus tard, je partais à pied sur la neige, avec pour seul compagnon l'un de ceux qui m'avait cueillis lors de l'ascension du col, le dénommé Olaf. Nous voyageâmes rapidement, courant le plus souvent. Un jour où nous étions autour d'un campement, je me décidai à demander :

« Dis-moi donc Olaf, comment as-tu su mon nom ? Tu l'as dit au patron alors que je ne te l'avais pas donné.

- Ah, Ah, c'était gravé sur ta bourse.

- Et...

- Ho, bon, allez. Tiens ! »

Et il me lança ma bourse. Je ne m'étais même pas aperçu de son absence.

« Je te l'ai volée quand on a grimpé le col.

- Comment t'as fait ?

- Le métier d'assassin. Je t'apprendrais quelques rudiments pendant le voyage, si tu veux. »

Ce qu'il fit, et nous arrivâmes, quelques mois plus tard, après avoir traversé plusieurs pays, à la grotte de la Vie Sans Tête. Olaf me montra le chemin pour aller à l'endroit où je devais attendre l'expédition, et voilà. J'étais content. Je me suis dit :

« J'ai un boulot. »

 

Chapitre 4 : Le Premier Combat

 

Rewald Piquassiette, Balric Filfol, Bobby Bouque et moi-même entrâmes donc dans la mairie. L’entrée était un vaste vestibule circulaire, et un massif escalier de bois ouvragé montait en tournant le long du mur incurvé. Une forte odeur de sueur et de bière passée envahissait la pièce.  Je fis remarquer à mes trois compagnons que le maire était quelqu’un de très soigné et assez sobre. Cela prouvait que quelqu’un d’autre était dans la mairie. Fier de mon pouvoir de déduction, je laissai Rewald monter le premier les escaliers.

 Mais alors que nous devions sans doute atteindre le milieu de l’escalier, un hurlement sauvage se fit entendre. Un nordique de deux mètres environ brandissait une hache ensanglantée à deux marches au-dessus de nous : il avait sérieusement blessé Rewald à l’épaule, et le malheureux boulanger perdait beaucoup de sang. Balric se précipita à son secours et Bobby retarda le nordique. N’imaginez pas que je restai inactif. Je brandis alors ma dague, et la jeta vers la tête du nordique. Son pommeau le heurta violemment, et il s’écroula, assommé.

 

Balric Filfol se précipita pour appliquer un bandage de fortune sur l’entaille de Rewald, puis il ligota par cinq tours de corde le nordique. Bobby et moi continuâmes notre ascension, le cœur battant. Voyant une fenêtre ouverte donnant sur l’entrée de la mairie, j’en profitai pour crier à Tom, le guetteur de devant la porte, d’aller chercher des cantonniers, l’équivalent de soldats. Il me répondit qu’il y allait, et nous poursuivîmes notre montée, dagues à la main.

 Alors que nous arrivions sur un palier, Bobby me désigna d’un geste tremblant ce qui avait dû être une porte, hier. La malheureuse pendait sur ses gonds, et elle paraissait avoir été forcée par des dizaines de haches semblables à celle du nordique que nous avions affronté plus tôt. Nous entrâmes. Les appartements du maire étaient en pagaille, ses affaires, éparpillées et ses tableaux, éventrés. La fenêtre était grande ouverte, et nous entendîmes alors un grand cri provenant du dehors. Nous regardâmes aussitôt par l’ouverture, et nous vîmes Tom Garalin étendu dans la boue du dehors, une grande  flaque de sang s’y ajoutant. Une épée était plantée dans son cou, et c’était de là que partait l’hémorragie. La plaie était étendue et nous réalisâmes avec tristesse qu’on ne pouvait plus rien pour lui.

 Je dévalai les marches quatre à quatre, Bobby Bouque sur mes talons. Bobby apprit à Balric et Rewald la triste nouvelle, et pendant qu’ils se lamentaient, je courus sur le parvis de la mairie, afin de tenter d’apercevoir les tueurs, et les kidnappeurs, comme me le confirma Bobby en sortant de l’édifice, qui l’avait fouillé en entier, sans résultat. C’est alors que je vis de près le cadavre de Tom. J’eus à cet instant précis un accès de nausée. Le pauvre Tom s’était lentement vidé de son sang. Cette image me choqua énormément, à l’époque, mais au cours de ma quête, vous découvrirez que cela ne me feras bientôt plus rien. Mais quand j’étais en train de réfléchir, je remarquai un nuage de poussière, sûrement formé par des chevaux au galop :

-Bobby, les chevaux, vite ! Amène-en trois !lui criai-je. Il revint deux minutes après avec trois beaux poneys du Vert-Pays. J’appelai donc Balric, qu’il vienne nous rejoindre, puis je montai d’un seul saut sur la selle de mon poney brun. Bobby fit de même, mais Balric sauta malencontreusement par-dessus le poney et se rétama tant bien que mal par terre :

-C’est pas grave, Balric ! Occupe-toi du pauvre Tom, et va surveiller le Nordique. Tu diras à Rewald d’aller chercher de l’aide !

Ce fut mes dernières paroles en tant que Halfling respectable.

 

 

Chapitre 5 : Première Attaque

 

         J'attendais. C'était bien là ma mission : attendre. L'expédition devait arriver dans la journée. Pour passer le temps, je récitais dans ma tête le chemin vers la grotte de la Vie Sans Tête. « Vers l'ouest, les montagnes, et puis...euh...Je crois qu'on monte une pente, et...euh... » Evidemment j'avais retenu le chemin aussi bien que le contenu des cours de mon père : c'est-à-dire affreusement mal. Il n'aurait   plus manqué que l'expédition arrive et que je ne sache pas vers où l'emmener ! Enfin, j'étais sûr de m'en souvenir. Ça devait être cette forêt qui me déconcentrait, pleine de grands arbres serrés qui retenaient même de jour l'obscurité sous leurs branches emmêlées. J'avais beau être dans une clairière, assis sur un vieux tronc mouillé par une pluie récente, je sentais des yeux m'observer. Ce lieu était certainement, comme tous ceux où on envoie les assassins en mission,  plein de dangers.

 

         Comme pour me donner raison, mes pensées furent brusquement interrompues. J'entendis du bruit sur ma gauche, un bruit de course rapide sur les feuilles. Je m'élançai aussitôt, ma nouvelle épée au clair, mes cheveux blonds volants au vent nocturne. Je ne poussai pas de cri de guerre, tout de même, la discrétion était de mise. Dans la pénombre sous les arbres, je n'y voyais plus grand chose. Bientôt, j'aperçus une silhouette noire, qui se déplaçait furtivement, courant de droite et de gauche. Utilisant le peu de technique que j'avais pu apprendre d'Olaf durant mon voyage, je m'approchai discrètement. Quelques branches craquèrent quand même. La silhouette s'arrêta et se retourna. C'est là que je compris que c'était un loup, un gros loup sauvage à la mine féroce. Il s'avança lentement en reniflant dans ma direction, hésitant. C'est à ce moment-là que j'entendis un cri, vers la clairière cette fois. Une petite voix murmura à mon esprit que ce loup avait été placé là par le destin exprès pour m'éloigner de la clairière où j'aurais dû me trouver. Je chassai cette voix et courrais vers la clairière. C'est alors que le loup bondit. J'eu à peine le temps de me retourner, le féroce animal m'atteignit et planta ses crocs dans la chair de ma jambe droite, déchirant la peau dans une gerbe de sang. Je m'écroulai par terre en geignant de douleur. L'animal recula pour mieux bondir à nouveau, mais dans un effort je me retournai en brandissant vers sa gueule ma dangereuse lame d'assassin. Coup de chance ou talent, nul ne saurait le dire mais elle entra dans sa gueule grande ouverte alors qu'il sautait et lui transperça le palais. Le loup s'écroula sur mes jambes. Je me dégageai et de ma jambe valide, j'envoyais voler en contrebas le cadavre sanglant de mon adversaire vaincu. Je repartis ensuite vers la clairière.

 

 

Chapitre 6 : La Chevauchée Forestière

 

Nous élançâmes nos chevaux au triple galop, moi avec un peu d’avance sur Bobby, et nous traversâmes une bonne partie du Vert-Pays, en suivant les traces des grands chevaux ferrés. Et puis, au milieu de l’après-midi, nous devinâmes où les kidnappeurs voulaient aller. Leurs traces menaient vers la grande Sombreforêt, bois de légendes et de dangers.

 Bobby n’eut pas l’air très à l’aise alors que nous prenions le chemin y menant, mais nous étions galvanisés par la mission importante qui nous avait été confiée. Après une demi-heure de trot, nous arrivâmes devant Sombreforêt. Quel lieu sinistre, pensai-je. Il était vrai que ce n’était pas aussi charmant que mon jardin. La forêt était constituée de hauts pins qui assombrissaient considérablement le bois, mais le parterre était garni de broussailles et de petits arbustes, naissant ci et là, au milieu des fougères. L’ombre des sapins lui donnaient un air imposant et inquiétant.

-Allons-y, dis-je, comme pour moi-même, et sans grande conviction.

Nous entrâmes dans la forêt au galop, bien déterminés à sortir de ce grand bois dès que nous aurons retrouvé Nialec Montedune, le maire. Nous suivîmes le sentier, car les kidnappeurs l’avaient emprunté. Cela se voyait aux traces récentes de sabots, ferrés à la mode des nordiques. Le sentier était plutôt large, mais la frondaison semblait nous étouffer de son ombre. Il devait être cinq heures de l’après-midi. Au fur et à mesure que nous avancions dans Sombreforêt, nous nous sentions de plus en plus épiés, mais nous ne vîmes personne. Puis le sentier se raccourcit d’un mètre peut-être. Mais nous n’avions pas le temps d’y penser plus, puisqu’un qu’un sifflement étrange me caressa l’oreille, et vint se planter dans le sol. Une flèche ! Selon son inclinaison, elle semblait venir d’en haut. Or, là-haut, c’était les arbres… Les tireurs étaient embusqués dans les sapins ! D’autres flèches arrivèrent, mais nous fîmes avancer au triple galop nos poneys. La première salve avait visiblement été lancée pour nous intimider, car aucune ne nous avait touchés, mais la deuxième fut beaucoup plus précise ; les projectiles se plantèrent dans les couchages harnachés sur les chevaux. Nous galopâmes sur le sentier le plus vite possible pour un halfling, mais une flèche atteignit malheureusement sa cible : Bobby avait une flèche fichée dans l’épaule, mais il l’enleva aussitôt, en même temps que de tenir les rênes de son poney au galop. Finalement, nous parvînmes à décamper loin des tireurs cachés, et nous continuâmes à suivre les traces fraiches des sabots des brigands nordiques. Il s’était avéré que la flèche de Bobby n’avait pas été puissamment  lancée, et qu’il ne souffrait pas beaucoup. Mais d’autres flèches fusaient encore, certes peu nombreuses, mais pas insignifiantes pour autant.

 

Chapitre 7 : L’Embuscade

 

Alors que nous galopions, le sentier se raccourcit encore, si bien que seuls nos deux poneys pouvaient avancer de front en même temps dessus. Le sentier prit un virage brutal, et lorsque nous l’eûmes passés, nous débouchâmes sur le chemin barré par des troncs grossièrement empilés les uns sur les autres, mais suffisamment hauts pour qu’un poney ne puisse pas sauter au-dessus. Je n’eus pas le temps de réfléchir davantage qu’une voix clama avec un fort accent de plouc :

-Donnez à nous tout vous avez!!!

Nous nous retournâmes alors, et descendîmes des poneys. La voix en question appartenait à un homme vêtu de peaux brunes. Il était pieds nus, ses genoux étaient sales, il était assez musclé, mais trapu, et de longs cheveux et une barbe charbonnés cachaient son visage. Il avait encoché une flèche dans son robuste arc.  D’autres hommes des bois accouraient derrière lui. Il était à peu près à une dizaine de mètres de nous. Bobby avait l’air terrifié, mais quant à moi, j’examinai la situation : derrière nous, un barrage de troncs, à notre gauche, une colline qui mettrait du temps à escalader, et à notre droite, un petit ravin, impossible à franchir. Et devant nous, une bande d’hommes préhistoriques armés d’arcs. J’eus soudain une idée. Je demandai à Bobby de les occuper un moment, dans notre langue, évidemment. Il fit semblant de se prosterner et de demander pitié :

« Monseigneur, laissez-nous passer, je vous en prie… »

 Pendant qu’il jouait la comédie, je ramassai discrètement un solide morceau de bois et le cachai derrière mon dos. Mais le chef parla à nouveau :

-Donnez à nous aussi clop-clop !

-Vous voulez les poneys ?demandai-je d’un ton espiègle. Puis, sans prévenir, j’abattis brutalement mon gourdin improvisé sur nos malheureux équidés, qui furent assommés sous le choc.

-Mais t’es malade ?balbutia Bobby, qui n’avait rien compris à mon stratagème. Puis, en l’ignorant, je me moquai du meneur d’hommes des bois :

-Si vous les voulez, il va falloir les ramasser ! Et je ne pense pas qu’ils soient très légers ! A peine après avoir dit ça, ils se dépêchèrent de ramasser à plusieurs les poneys, et profitant de ce temps, je reculai doucement vers les troncs empilés derrière moi, cala entre deux mon solide bâton, et appuyai lourdement sur celui-ci. Les troncs se débinèrent un à un, et le chemin fut libéré. Profitant de la stupéfaction des hommes des bois, et du fait qu’ils tenaient les poneys, nous courûmes aussi vite que nos petites jambes le permettaient. Alors que les sylvestres commençaient à nous poursuivre, nous étions déjà hors de leur portée. Quand nous fîmes une pause, j’évaluai la situation : nous n’avions plus de cheval, mais nous étions en vie, loin des forestiers. Nous continuâmes notre chemin, mais soudain, il s’arrêta. Le chemin ne continuait plus. Nous devions soit poursuivre tout droit à travers la forêt, soit s’aventurer dans la vallée qui était à notre gauche, ou essayer la droite, c’est-à-dire s’engager  au plus profond du bois. Nous décidâmes d’aller à droite.

 

 

Chapitre 8 : Un Petit Etranger

 

         Boitant douloureusement à cause de ma jambe droite blessée qui saignait toujours, j'oubliai d'être discret en arrivant à la clairière. Celui qui y était avait dû oublier d'être vigilant, car  il ne m'entendit pas arriver et resta assis, sur le tronc où je me tenais quelques minutes auparavant. Etrange, quelqu'un seul en lisière de ces sombres bois. Il reprenait difficilement sa respiration, comme après une dure course et il semblait blessé à la hanche. Il portait ce qui avait dû être un beau costume (genre des contes de l'Empire), avant d'être réduits en lambeaux. C'était un homme de petite taille, bedonnant avec le crâne dégarni. Je décidai d'entrer dans la clairière et lui dis :

« Que vous arrive-t-il ? Etes-vous blessé ? »

C'est seulement à ce moment-là qu'il sembla me remarquer. Il se jeta alors derrière le tronc sur lequel il était assis, comme pour se protéger. Je me rendis alors conte que j'avais parlé nordique.

« N'ayez pas peur, lui dis-je en usant cette fois du langage commun, un des seuls dons intéressants de l'éducation de mon père, je ne vous veux aucun mal. »

Toujours aucune réponse. Mais que faisait-il là ?

« Venez, je jure de ne pas vous faire de mal. Je peux peut-être vous aider. Laissez- moi regarder votre blessure... »

A force de supplications, il finit par se relever prudemment.

« Qui...Qui êtes-vous ? dit-il enfin.

- Je m'appelle Ulfric. Et vous, que faites-vous ici ?

- Euh, et bien...

- On verra ça plus tard. »

Ma jambe me faisait horriblement souffrir. Je m'assis sur le tronc pour l'examiner. La plaie était profonde et elle saignait toujours. Plusieurs muscles étaient endommagés. Tandis que je la bandais, j'observais le petit homme. Il semblait réconforté de ma présence et ne cessait de jeter vers la forêt des regards apeurés.

« Alors, repris-je au bout d'un moment, que faites-vous ici ?

- Je...Je viens de loin, j'étais dans cette forêt avec d'autres et nous avons été attaqués à l'ouest d'ici. Je suis arrivé par ce chemin, derrière ces arbres. J'aimerais retourner chez moi. Avez-vous une carte ?

- Non.

- Ah, d'accord. Peut-être que vous pouvez m'indiquer un village près d'ici, alors ?

- Euh, non. Je ne connais pas la région. Ah, si, je crois que j'en ai vu un à...l'est d'ici. »

Il frissonna comme mon doigt tendu vers l'est indiquait la forêt.

« Vous...Vous pourriez m'accompagner ? demanda–t-il.

- Désolé je dois rester ici. J'attends quelqu'un.

- Je peux attendre. Et après, vous...

- Pourquoi pas. Ce serait payé ?

- Euh...Oui, certainement, si j'arrive à rentrer chez moi vivant.

- Très bien. »

 

 

Chapitre 9 : Rencontres d’Ingrats

 

Le soir tombait peu à peu.

La forêt s’épaississait au fur et à mesure que nous avancions, et les conifères semblaient devenir de plus en plus hauts et ombrageux.  Nous dûmes bientôt allumer une torche. C’est d’ailleurs au sommet d’un de ces arbres que nous aperçûmes soudain une silhouette. Non pas celle d’un homme des bois, ni d’un quelconque animal, mais d’un homme sans doute, de grande taille, le corps et le visage masqués d’amples vêtements noirs. Il paraissait un peu perdu, et mon premier réflexe fut donc de lui proposer mon aide :

-Holà, habile grimpeur ! Tu as l’air un peu paumé, veux-tu de l’aide ?

En unique réponse, le mystérieux personnage nous envoya un poignard effilé du haut de sa branche qui vint se planter à nos pieds ! Alors que nous commencions à courir pour éviter de s’en prendre d’autres, Bobby me dit :

-M’est avis que ce monsieur est bien trop fier pour daigner accepter l’aide que nous lui offrons !

Nous retournâmes au bout du sentier et décidâmes d’emprunter le chemin de la vallée. Le val était parsemé de bruyères et de petits arbustes, parfois agrémentés d’un rocher ou deux. Pour tromper l’ennui, nous chantions des chansons de marche halflings. Je m’arrêtai plusieurs fois pour collecter des plantes étranges ou rares, que je vendrai au marché. Il se trouve que notre périple devenait presque agréable, si l’on exceptait les moustiques et autres parasites.  Le soir commença à tomber, alors que nous étions au fond du vallon. La végétation changea alors radicalement, devenant plus dense, plus épaisse. Mais nous trouvâmes un passage relativement large à travers les résineux. Puis, alors que nous marchions, nous vîmes soudain un nordique allongé dans le lit d’un ancien torrent. Il avait l’air mal en point, avec ses vêtements en haillons, et son visage sale et tuméfié. Une fois de plus, j’allai aider un inconnu.

-Hello, mon brave ! Avez-vous be…

Ma phrase ne se finit jamais. Je vins de remarquer qu’il portait exactement les mêmes habits que le nordique de la mairie, et donc des tueurs de Tom. Cependant, il ne m’avait rien fait directement, et j’allai lui donner une rasade de whisky ; mais il cracha dessus, en proférant une malédiction aux halflings. Indigné par cette ingratitude, je fus pris d’une envie meurtrière en songeant que c’était peut-être lui qui avait tué Tom. Je saisis ma gourde de whisky, la vida totalement sur lui. Le nordique comprit aussitôt mon objectif, et se raidit de peur.

« Bobby, passe-moi la torche ! »

Je la pris donc, et la jeta sur lui. Il flamba comme un goret rôti, poussa un cri monstrueux de souffrance, et couru le plus loin possible de nous, comme une torche humaine. Puis il s’effondra au bout de 500 mètres, dévoré par les flammes.

Après ça, nous décidâmes de monter un campement pour la nuit qui débutait. A la montre à gousset de Bobby, il était environ vingt-deux heures. Je remarquai un promontoire rocheux, qui dominait le fond de la vallée, et décidai de planter nos tentes ici. Bobby accepta, et nous instaurâmes des tours de garde. Je prendrai le premier, jusqu’à deux heures. Bobby prendrait le suivant, jusqu’à six heures. Il s’endormit donc, et je pris le tour de garde.

 

Chapitre 10 : La Mission

 

Le reste de la journée passa lentement. A la nuit tombante, nous fîmes un feu et y mangeâmes. Je prêtais au petit homme vivres et couvertures, et il s'endormit bientôt près du feu. Je commençais à m'inquiéter : l'expédition que j'attendais n'était toujours pas arrivée. C'est alors qu'une main sorti de l'obscurité et, d'un coup, me tira sous les arbres.« Qu'est-ce que vous faites ? »Le ton était sec. A peine remis de ma surprise, je ne reconnus pas tout de suite mon interlocuteur. Il me tenait par le col et m'appuyait contre un arbre.« Qu'est-ce que vous attendiez ? Le déluge ? »Mes yeux s'habituant à l'obscurité, je le reconnu enfin. Mon dieu ! C'était le chef de la Guilde des Lames Glaciales. Il était terriblement en colère et me secouait.« Vous n'alliez pas rester là autour du feu pour l'éternité !- Qu'est-ce que...- Quoi ?- Que se passe-t-il ?- Vous êtes un imbécile, Ulfric, si vous n'avez pas compris ce qui se passe. Il se passe que votre bêtise pourrait coûter un bras à la Guilde si vous ne vous hâtez pas.- Hein ? Mais...- Combien de temps contiez-vous passer ici, à manger et à dormir, avec tout notre butin entre les mains ? Vous n'avez pas trouvé ça bizarre, un Halfling seul au milieu de la forêt, et vous ne vous êtes pas dit qu'il faudrait peut-être aller chercher l'expédition avant minuit ?- Comment...- A ce niveau de débilitée, j'ai peur que vous ne me serviez pas à grand-chose, mais écoutez, Ulfric car ce seront mes derniers mots : ou vous découvrez ce qui est arrivé à l'expédition et vous venez me le dire à la grotte de la Vie-Sans-Tête avec ce halfling avant la fin de la nuit, ou vous êtes viré. »Il me lâcha enfin.« Puisse la rapidité vous sied plus que la réflexion. Adieu, sans doute. »Et il disparut en sautant dans un arbre avec un bruissement de cape.

 

 

Chapitre 11 : Les Hommes des Bois

 

Durant un moment, je restai là à tituber. Puis je me secouai, et revint en courant à la clairière. J'avais une nuit. C'est court, il me fallait agir vite. Comble de malchance, le halfling était réveillé.« Je dois partir, lui dis-je. Venez avec moi.- Pas dans...cette forêt ?- Si, dépêchez-vous.- Non, non, je vais rester ici.- C’est pas une question.- Mais pourquoi...- Et puis merde... »M'approchant du Halfling, je l'assommais d'un coup de poing en pleine tête. Puis, je lui enlevai ses vêtements et les fouillai. Je n'y trouvai qu'un peu de bière et quelques pièces d'ors, que je gardai. Puis, je ligotai le Halfling avec ses vêtements et le chargeai sur mon épaule. J'avais fini par comprendre : le Halfling avait dit être venu avec d'autres, les autres c'était l'expédition d'assassin que j'attendais, dont le but était d'enlever ce Halfling. C'est pour cela qu'il avait eu peur de moi, au début, il craignait que je sois l'un de ses ravisseurs ! Le Halfling avait dit aussi qu'ils avaient été attaqués et il m'avait montré le chemin par lequel il était venu ! Je bondis dans le chemin, et courus à perdre haleine. Le Halfling était balloté dans mon dos. Le chemin allait au cœur de la forêt. J'espérais trouver les cadavres des nordiques et comprendre ainsi ce qui leur était arrivé. Les choses ne se passèrent pas comme cela. Au bout d'un moment je cessai de courir pour reprendre mon souffle. Le Halfling se réveilla.« Qu'est-ce que... »Je l’assommais vivement d'un nouveau coup de poing. C'était au beau milieu de la nuit, et il faisait très sombre. C'est alors que quelque chose me frôla l'oreille et alla se planter dans un arbre. Me retournant, je n'eus pas le temps de m'attarder sur cette grosse flèche en bois que déjà d'autres semblables volaient vers moi à grande vitesse. Je me remis aussitôt à courir sur le chemin, tentant une fuite en avant. Les flèches continuaient à pleuvoir et j'entendais des bruits dans les sous-bois. A un moment, le halfling trop balloté vomit, et il était tourné dans une telle position qu'il risquait de s'étouffer. Je le retournai tout en courant et continua de plus belle. Par chance, les flèches ne m'atteignirent pas, mais c'était juste. L'une d'elle toucha le halfling dans le dos. Il geignit mais n'essaya pas de montrer un quelconque signe de réveil. C'est certainement le plus épique passage de mon aventure, courir à grande vitesse malgré une lourde charge sous une pluie de flèches meurtrières, et en les esquivant toutes ! Mais tous les bons moments ont une fin. Celle-ci se produisit lorsque, suite à un tournant du sentier, j'arrivai en vue de troncs d'arbres coupés, répandus pêle-mêle en travers et sur les bords du chemin. Je n'y prêtai aucune attention et continuai à courir ; or, comme je passai à côté d'un tronc barrant la moitié du chemin, ma course fut stoppée. Un homme caché derrière le tronc sortit de sa cachette pour me donner trois coups avec le bois de son arc, suivis d'un coup de poing pour couronner le tout. Je tombai assis sur ledit tronc, les membres douloureux, un œil au beurre noir. Je lâchai du même coup le halfling qui tomba derrière le tronc. L'homme en face de moi ne portait sur qu'une vieille peau de bête. Il avait une barbe brune en bataille et de longs cheveux sales et broussailleux. Il me menaçait avec son arc, une flèche encochée, et parla d'une voix rauque et gutturale :« Un geste et toi mort, crois-moi.»J'entendis du bruit derrière moi. Me retournant, je vis d'autres hommes des bois qui descendaient des arbres et se rapprochaient.« He, les gars, cria mon gardien, j'en ai un autre !- Un...autre ? Demandai-je lentement en articulant difficilement, Vous...en avez vu d'autres...- Toute une troupe comme toi, ouais !- Et eux bons, vrai ? Renchérit un autre homme des bois qui venait d'arriver.- Hein ? Fis-je vaguement entendre.- Eux avoir discrétion comme une meute d'orque, continuèrent les hommes des bois.- Dommage que certains aient échappé.- Ca a évité bataille, que eux enfuir directement, comme si eux courir après quelque chose qui les avait laissé derrière. »Pris dans la conversation, mon gardien avait baissé son arc.« Mais...où sont-ils ? Demandais-je. »A mon grand dam, ils se mirent à rire. Tous, aussi bien ceux qui étaient près de moi que plus loin, partirent d'un rire gras et sonore. Certains tapotaient leur ventre. Je saisis l'occasion. Avant qu'ils se soient remis de leurs émotions, je me relevai, fonçai dans les hommes des bois qui étaient derrière moi, les bousculaient et partait en courant. Avant qu'ils aient pu réagir, j'étais déjà loin. Je m'arrêtai alors de courir, essoufflé. C'est alors que je me rendis compte de mon erreur : j'avais oublié le halfling. 

 

Chapitre 12 : Dernière chance

 

Le temps me manquait cruellement. Je savais à peu près ce qui était arrivé à l'expédition, mais j'avais perdu l'objet même de la mission, et ne pouvait aller à la grotte de la Vie Sans Tête sans cela. L'aube n'allait pas tarder beaucoup. Le temps de retourner à cette fichue grotte, il me restait à peine une demi-heure. Donc pas le temps d'aller chercher un quelconque renfort, ni de réfléchir d'avantage. Je m'élançai vers un arbre, et l'escaladai tant bien que mal. Sautant le plus discrètement possible d'arbre en arbre selon les méthodes d'Olaf, je me rapprochai de l'endroit dont je venais de m'enfuir. Ma discrétion fut efficace, pour une fois, et je m'approchais sans être vu. Quand je serai arrivé, je pensais bondir, attraper le halfling et m'enfuir de nouveau en courant. C'était sous-estimer les hommes des bois. S’ils considéraient qu'un groupe d'assassins avait la discrétion d'une troupe d'orque, c'est qu'ils avaient eux-mêmes quelques compétences en la matière. Je ne vis pas les deux guetteurs dans l'arbre, juste au-dessus de l'endroit où j'avais été arrêté précédemment, avant qu'ils ne tirent une flèche. Vivement, je levais ma main pour la saisir ; ma main fut transpercée et la flèche continua à voler, traversa le feuillage et disparut. Je m'effondrai dans un cri de douleur. Les guetteurs poussèrent alors un étrange cri proche de celui du hibou. Fou de rage et de douleur, je bondissais précipitamment pour les tuer, mais ils s'enfuirent en sautant d'arbres en arbres avec agilité. J'avisais alors, au pied de l'arbre où je me tenais, le reste de leur troupe. Suite au signal d'alarme (le cri de hibou), ils avaient entouré le pied de l'arbre et certains y montaient déjà. C'est alors que j'avisai le halfling, derrière eux, toujours assommé et nu en travers du chemin. Il n'y avait que deux Hommes des Bois autour de lui, ils étaient tous venus près de l'arbre. Dans un ultime effort, je sautais de ma branche, à 8 mètres de hauteur, sous les yeux ébahis des Hommes des Bois montés me chercher. Mal m'en pris. Le saut était bien calculé pour tomber à côté du Halfling, mais pas forcément pour tomber droit. Ni sur mes jambes. Et puis, 8 mètres, ça fait beaucoup. Toujours est-il que, alors que je pensais attraper facilement le halfling et m'enfuir au nez et à la barbe broussailleuse d'Hommes des Bois pas encore revenus de leur surprise, je tombai mal, et me cassai la cheville et basculai en avant. Je me retenais des deux mains, mais la main blessée me vit effroyablement mal et je ne pus éviter un choc extrêmement brutal de ma tête contre le sol. Le goût du sang m'emplit la bouche, ma vue se brouilla. Je tins tout de même assez longtemps pour voir des dizaines d'arcs d'Hommes des Bois, pointés sur moi.« Faites geste et vous mort. »J'abandonnai et perdis connaissance.

 

 

Chapitre 13 : Le Cortège des Hommes des Bois

 

Il faisait froid, cette nuit-là, et j’avais donc allumé un feu. Mais au bout d’une heure, j’aperçus des lumières à sept cent mètres environ. Elles avançaient lentement. J’en déduisis que ce n’était pas surnaturel, que des hommes devaient avoir des torches. J’éteignis en hâte le feu, réveillai mon associé, en lui plaquant une main sur la bouche afin qu’il ne nous trahisse pas. Puis je fis disparaître les traces du feu de bois, Bobby plia la tente et nous nous cachâmes sous un buisson en contrebas du promontoire. Il s’avéra que les silhouettes étaient bien humaines, et qu’elles se dirigeaient vers nous. J’espérai simplement qu’elles ne nous avaient pas repérés. Elles s’approchèrent de plus en plus, et nous pûmes les apercevoir plus en détail. Il s’agissait d’une vingtaine d’hommes des bois, semblables à ceux qui nous avaient importunés sur la route, un peu plus tôt. Mais la nuit étant sombre, comme à son habitude, je ne pus voir si c’était les mêmes. Les hommes des bois avançaient lentement, comme retardés par un fardeau. Alors qu’ils passèrent juste à côté de notre buisson, en direction d’un bois tout proche, je remarquai qu’un homme était attaché comme un gros gibier à un bâton que portaient quatre hommes des bois. Mais était-ce vraiment un homme ? J’en doutais de plus en plus jusqu’à ce qu’il passe devant le buisson où nous étions cachés. En fait, il avait une puissante musculature, un regard vide (peut-être avait-il été assommé), et une taille démesurée, environ deux mètres, ce qui était immense pour deux petits halflings. J’en déduisis que c’était un nordique. Mais pas un de ceux qui avaient enlevé le maire, assurément non ! Il n’en avait pas la férocité. Puis, accroché à un autre bâton, un halfling, assommé et couvert de vomissures était porté par deux autres primitifs. C’était sans nul doute le maire ! Il était ligoté au bâton par sa propre tenue de mariage ! Heureux de l’avoir enfin retrouvé, j’allai lui signifier que nous étions là pour le libérer. Mais, au moment où j’allais jaillir du buisson, une poigne ferme me retint, celle de Bobby :-T’es pas fou, non ? C’est beaucoup trop risqué ! On aurait nous aussi fini attaché comme des lapins si t’étais sorti !-Ah, oui. J’étais trop heureux de voir enfin le maire, déclarai-je, penaud. Ce fut alors la seule bourde de notre aventure.

Chapitre 14 : Coma par intermittence

 

C'était une grande tache noire. Bientôt, je distinguais le ciel. Conclusion : le ciel était noir quand je me réveillai. Donc c'était encore la nuit et je n'avais pas été inconscient longtemps. Ensuite, je compris ce qui m'avait réveillé : j'avais mal aux mains et aux pieds. Ceux-ci étaient attachés à une grosse branche d'arbre par une corde solidement nouée, cause de ma douleur. La grosse branche était portée par deux Hommes des Bois. Ils marchaient. Les seuls lumières visibles étaient loin devant. Elles semblaient venir de torches. Sur ces lumières se détachaient les ombres d'autres Hommes des Bois, qui marchaient devant et derrière nous. Tous se taisaient, et on entendait vaguement une sorte de vieux chant rituel de leur peuple. Je cherchai alors du regard le Halfling. Il était juste devant nous, attaché comme moi à une branche portée par deux Hommes des Bois. Je décidai alors de passer à l'action. Malgré ma fatigue et mes blessures, je tirais mes mains de toutes mes forces. Mes liens ne bronchèrent pas, ne cassèrent pas, ne se desserrèrent même pas. Je me balançai alors de tous côtés pour faire tomber la branche des mains des porteurs. La branche commença à tanguer.« Eh, Grut, il s'est réveillé ! Lança l'un des porteurs.- Ce qu'il gigote ! dit l'autre.- Qu'est-ce qu'on fait ? »Comme en réponse l'autre me lança un gros coup de poing que je reçus en pleine figure. Je retombai aussitôt dans l'inconscience.

*

 

Chapitre 15 : Homicides Volontaires et Discrets

 

L’étrange cortège d’hommes des forêts passa devant notre cachette sans nous voir, bien qu’ils aient l’air d’être méfiants. Nous les suivîmes lorsqu’ils furent assez loin devant, tout en faisant attention de ne pas se faire repérer par les retardataires. Je n’éprouvais aucune sympathie à l’égard de ces hommes. Ils avaient bien failli nous tuer plusieurs fois, et j’espérai bien pouvoir leur rendre la monnaie de la pièce. Nous nous fîmes donc le plus discret possible, sautant de cachettes en cachettes, évitant la lumière de leurs torches. Il s’avéra que ces retardataires constituaient en fait l’arrière-garde du cortège. Nous décidâmes de se rapprocher, afin de ne pas les perdre de vue, quitte à prendre des risques supplémentaires. Mais Bobby fit craquer une branche. Le bruit devait s’entendre à des dizaines de mètres d’ici. Il me lança un regard qui signifiait qu’il n’avait pas fait exprès, mais un homme des bois l’entendit et se dirigea dans notre direction, à grandes enjambées. Heureusement, la nuit nous cachait quelque peu et nous eûmes le temps de nous dissimuler sous un buisson. L’homme des bois qui nous avait entendus s’arrêta à l’endroit où Bobby avait craqué une branche, et la trouva, on ne sut par quel moyen. Il examina donc la branche cassée, la renifla, et eut l’air de suivre une piste, piste qui le mena devant notre buisson. Il nous vit, tous les deux, et s’apprêta à crier l’alerte, mais je fus plus rapide. Je saisis mon poignard et lui enfonça de sous le menton jusqu’à ce qu’il ressorte par le haut du crâne, dans des éclaboussements de cervelle et de sang. Je retirai rapidement mon poignard de son crâne creux, l’essuyai dans de la terre, et, avec l’aide de Bobby, cachai le corps sous un tas de feuilles mortes.Nous nous fîmes plus prudents par la suite, et vérifiâmes où nous marchions à chaque pas. Un second Homme Sylvain nous repéra par la suite, et nous lançâmes nos poignards en même temps. Le mien le toucha en plein cœur, mais Bobby ne réussit pas à éviter celui de notre adversaire. Il fut blessé au bras. Comble de malchance, c’était le bras gauche ; il avait déjà été touché par une flèche à l’épaule gauche précédemment. Heureusement, Bobby n’émit pas un son lorsqu’il fut blessé, mais son visage prit un rictus de souffrance. Je lui enlevai l’arme de son bras d’un coup sec, puis il se confectionna rapidement un bandage. Il n’y avait plus aucun retardataire désormais. Nous suivîmes en rampant prudemment le groupe d’Hommes des Bois. Au bout d’un moment, les lumières se firent plus nombreuses, les arbres plus rares et nous nous rendîmes compte qu’ils étaient arrivés à leur « village ».

*

Ce fut Un choc qui me réveilla de nouveau. Entrouvrant lentement et prudemment les yeux, des fois qu'on essaie de me rendormir, je vis qu'il faisait toujours nuit. La procession était arrivée à une clairière, où mes porteurs venaient de me lâcher : d'où mon réveil et la douleur forte qui qui m'engourdissait le dos. Le halfling était dans la même situation et semblait toujours inconscient, à quelques mètres de moi. Au centre de la clairière brulait un grand feu, près duquel un vieil Homme des Bois habillé d'une longue peau semblable à une cape se prosternait en psalmodiant dans une étrange langue. Les Hommes des Bois firent un grand cercle au bord de la clairière, dans lequel il ne restait plus que le feu, le vieil Homme des Bois (apparemment un shaman)...et nous. Une petite voix parla alors à mon esprit, et, malgré ma fatigue, je compris enfin ce qui m'arrivait : mes compagnons avaient servis la veille de dîner aux Hommes des Bois, et j'étais (enfin, nous avec le halfling) le prochain sur la liste. Cette réflexion m'avait fatigué et ma tête retomba lourdement sur le sol poussiéreux.

*

Il s’agissait plutôt de huttes disparates concentrées autour d’un feu de joie et d’un totem. Les Hommes des Bois étaient maintenant une bonne cinquantaine. Nous étions sur une colline proche, et nous avions une vue admirable sur ce qui se passait en contrebas. Les indigènes se rassemblèrent rapidement autour du convoi de leurs congénères et des prisonniers qui venaient d’arriver. Ils examinaient notre pauvre maire et ce nordique. Nialec Montedune avait l’air épuisé, le nordique avait l’air assommé. Il se réveilla à un moment, mais un de ses geôliers lui balança un coup de poing en pleine figure, ce qui, vous vous en doutez sûrement, le replongea dans l’inconscience. Ceux qui tenaient la branche sur laquelle étaient suspendus les deux prisonniers inconscients détachèrent ces derniers pour les ligoter à leur totem près du feu. Pendant quelques instants, les Hommes des Bois ne firent rien d’autre que les observer et brailler en formant un cercle autour du feu et du totem, puis une brèche s’ouvrit et un Sylvestre un peu plus grand que la moyenne s’avança vers les prisonniers. Quand il arriva, les hommes se turent aussitôt. Il devait occuper une place importante. Je pus mieux discerner ses traits lorsqu’il approcha du feu. Il était âgé, mais bien plus fier et hautain que le reste de sa tribu. Il était vêtu de peaux de bêtes rares et dangereuses, et portait une coiffe cérémonielle constituée d’os, de plumes multicolores et de divers coquillages. Enfin, il portait beaucoup d’amulettes et de gri-gri. Bref, c’était le Chaman. Il s’approcha des deux prisonniers toujours attachés sur le totem, dos à dos, et entra en transe. Il psalmodiait une langue étrange et gutturale en fermant les yeux et en dansant assez étrangement (il faut bien dire qu’à part la valse, nous autres Halflings…). La nuit et la lumière dansante du feu lui formaient des traits sinistres et inquiétants, des ombres mouvantes.Brusquement, il rouvrit ses paupières et observa les étoiles durant un moment. Il se tourna alors vers le nordique, puis vers ses larbins et dit soudain : « Danlfeu !!!!! »Nous sûmes qu’il était temps pour nous d’agir.

*

Je me redressai presque aussitôt, pour découvrir l'urgence de ma situation : on me trainait vers le feu. Le chaman avait déjà fini son rituel. La poigne qui me retenait était solide et je n'avais pas la force de me débattre. Le feu se rapprochait inexorablement, sa lumière rouge révélant le cercle des Hommes des Bois. Leurs yeux étaient tous rivés sur moi. Quand tout à coup, celui qui me trainait me lâcha, et la quasi-totalité des Hommes des Bois courut dans la forêt, cassant le cercle.

*

Chapitre 16 : Suite d’évènements indescriptibles oralement :

 

Les larbins du dit-chaman traînèrent alors le nordique vers les flammes. Ces hommes étaient cannibales !! Après le nordique, ils mangeraient le maire !!! Le nordique gémissait un peu, mais ne semblait pas avoir la force de se débattre ou de faire quoi que ce soit d’intelligent. Bobby me donna un coup de coude :« Fais quelque chose !!! On ne peut pas le laisser comme ça !!! »Jurant intérieurement, je réfléchis à la situation et aux différents moyens de la retourner. Bobby me jeta un regard de mécontentement : il voyait que j’hésitai à le sauver. Le nordique n’était plus qu’à cinq mètres des flammes…« Qu’est-ce que tu attends ? Sauve-le !!! »Alors que nous étions en train d’échafauder un plan, nous entendîmes un bruit de pas derrière nous. Etant allongés sous un buisson, nous ne nous fîmes pas repérer. C’était un Homme des Bois, muni d’un arc. Sans aucun doute un de ceux qui nous avaient canardés de flèches à l’entrée de Sombreforêt. Son arc pourrait nous être fort utile pour le plan présent. Bobby le plaqua au sol et je l’assommai discrètement. Je pris son arc et ses flèches.« L’arc !! Les flèches !! »Je saisis alors l’arc, encochai une flèche, et choisis une cible : un des hommes des bois qui amenait le nordique au feu, par exemple !!! Je tirai ; elle se planta droit dans son cœur. Le second sylvain qui tenait le nordique le lâcha aussitôt et alla se cacher derrière le chaman. Ce dernier, furieux de cette interruption, hurla : «DENLAFAURAI !!!! TUEZLEZARSHER !!! »Les Hommes Sylvestres se firent tout simplement laminer. Chacune de mes flèches atteignait sa cible, et tous ceux qui survivaient à mes flèches se prenaient des pierres lancées par Bobby. Tout cela se fit dans la discrétion la plus totale. Nous étions comme à notre habitude cachés pour ne pas dévoiler à notre ennemi notre infériorité numérique. Les Sylvains se retirèrent bientôt, obéissant à un ordre du Chaman. Nous avions tué au moins une quinzaine d’Hommes des bois. Les fuyards se réunirent autour du Chaman qui entamait un rituel. Ses larbins étaient tous derrière lui, comme s’il allait lancer quelque chose susceptible de les blesser. Je devinai immédiatement qu’il voulait balancer une boule de feu dans la forêt pour nous carboniser. Bobby me lança soudain : « La gourde !!! Utilise la gourde !!! »La gourde ! Je l’avais oubliée ! Elle était extrêmement inflammable, 50° d’alcool baignaient dedans !! Une idée soudaine germa dans mon esprit. Ces abrutis d’homme des bois sortaient tout droit de la préhistoire, ils devaient être facilement influençables par des choses ressemblant à de la magie ; des boules de feu par exemple… et une gourde remplie d’alcool pouvait rapidement se transformer en boule de feu. Nous ne pouvions pas l’enflammer ici : nous n’aurions pas pu la lancer sans nous brûler les mains, et le risque de se faire repérer aurait été trop grand. Nous devions trouver un moyen de l’embraser à distance sans nous faire repérer. Je pris la gourde, ajustai mon tir et lançai. Juste après, je tirai une flèche enflammée par Bobby qui vint se planter pile dans le récipient. La gourde s’enflamma au-dessus du camp et la « boule de feu » décrivit un splendide arc de cercle, puis retomba dans le feu de joie des indigènes. Il y eut alors une explosion de flammes, certaines huttes furent même touchées et commencèrent à flamber. Le Chaman mourut, brûlé au trentième degré. Ce fut alors la panique. Les Hommes des bois les plus peureux grimpèrent aux arbres, d’autres s’enfuirent en courant dans la forêt. L’archer que j’avais assommé à l’instant se réveilla soudain et hurla en direction du campement : « ISSONLA !!!!! »Bobby, de rage, le tua. Les Hommes des Bois du campement se ressaisirent et tirèrent quelques flèches dans notre direction. Ironie du sort, l’une d’elles toucha le cadavre de l’archer. Au loin, je vis le nordique ramper vers les flammes pour y défaire ses liens. Je pris cette suite d’évènements pour un signe et décidai d’occuper ces imbéciles pour laisser le temps au nordique de se libérer. Je m’avançai vers les hommes préhistoriques et leur cria de la voix la plus sinistre possible, tout en mettant ma cape de façon à ressembler à un mage :« Oui, misérables vermines !!! C’est moi qui ai lancé cette boule de feu sur votre campement !! »Malheureusement pour moi, un des Sylvestres avait gardé toute sa tête et voyait bien que je n’étais pas un manipulateur des arts des arcanes. Il hurla « CEPAHINMAJ !!! » et ses hommes nous attaquèrent. Quelques-uns restèrent en arrière pour tirer des flèches, mais une bonne dizaine d’Hommes des bois étaient déjà sur nous. Avant d’engager le combat, je remarquai que le nordique, près du totem, venait de brûler ses liens. Avec un peu de chance, il pourrait délivrer aussi le maire.

 

*

Tandis que le chaman les maudissait pour avoir interrompu le rituel, je me hâtai en rampant vers les flammes. J'étais toujours attaché à la branche par les poignets et les pieds : je crois qu'elle était censée servir de brochette. Mais, discrètement, j'approchai mes mains du brasier. Les flammes léchèrent mes liens, puis les brulèrent, me libérant mes bras. Je fis de même avec mes pieds. Personne ne m'avait remarqué, toute l'attention des Hommes des Bois était tournée vers la forêt, où en entendait maints cris et sifflements de flèches. C'est alors que je commis une erreur : trop fier d'être délivré, j'empoignai le bâton auquel on m'avait attaché et je me relevai brusquement. Malheureusement, cela attira l'attention de deux Hommes des Bois, qui se ruèrent sur moi en criant. J’envoyais mon bâton dans la figure du premier, qui cria et s'arrêta, son nez cassé saignant abondement. Le second me sauta dessus à mains nues. Nous roulâmes au sol et, d'un coup de pied, je projetais mon adversaire en l'air. Il s'écrasa pesamment et je l'assommai d'un coup de bâton. Je courus alors vers le Halfling mais, dans un bond extraordinaire, un nouveau primitif me coupa la route. Son attaque au bâton me surprit. Trop lent, je pris le premier coup sur la tête, le deuxième dans le ventre. Ma santé était déjà au plus bas. Je perdis de nouveau connaissance.

*

Les Hommes des bois se jetèrent sur nous en criant des jurons dans leur langue. Nous nous défendîmes tant bien que mal, mais ils étaient bien trop nombreux pour les deux petits Halflings que nous étions. Bobby battit en retraite, blessé à la jambe gauche. Pour ma part, j’arrivais à en poignarder un, au niveau du bas ventre, mais un autre me surprit et me lança son gourdin en plein visage. Sonné quelques instants, je repris vite mes esprits et courus en vitesse vers les ombres de la forêt, Bobby sur mes talons. Il boitait et ne put éviter une flèche qui vint se ficher dans son épaule droite. Cette fois, c’en était trop pour lui. Il avait été blessé à l’épaule gauche, le bras gauche, la jambe gauche, et maintenant l’épaule droite. Ayant déjà perdu trop de sang, il s’évanouit et tomba de tout son long. Les Hommes des Bois le crurent mort et continuèrent de me poursuivre. J’atteignis enfin la forêt et grimpai en vitesse à un arbre. Je me fis repérer et sautai d’arbre en arbre, un peu à la manière des singes, ces animaux dont je n’ai entendu parler que par les livres de voyages de mes ancêtres. Les hommes des Bois firent de même, l’un d’entre eux tomba même et se fracassa contre un amas de rochers en contrebas. Ils étaient sept désormais à me pourchasser. Certains étaient restés au campement, d’autres s’étaient perdus, la nuit les désorientait complètement. Un de ceux qui étaient dans les arbres sauta de sa branche pour atterrir sur la mienne, ce qui eut pour effet de me balancer en l’air et retomber au sol. Je me relevai tant bien que mal, ma cheville ayant souffert. Je me précipitai sous un tas de branchages. Les Hommes des Bois ne m’avaient même pas vu tomber dans l’obscurité. Ils continuaient à sauter d’arbre en arbre. Je profitai de ce répit pour retourner à leur village pour sauver Monsieur le Maire et ce bêta de nordique.Le village était désert, ravagé par les flammes. L’incendie s’était propagé brûlant huttes, hommes et végétaux. Certaines habitations brûlaient encore, on était au petit matin. Autour du foyer des flammes gisaient les cadavres de deux Hommes Sylvains, et celui carbonisé du Chaman. Nialec Montedune, le maire, était toujours attaché au poteau, fatigué mais vivant : « Vous avez été longs !!! dit-il faussement mécontent.-Excusez-nous, lui dis-je. Nous avons eu quelques petits… contretemps. »

*

A partir de là, on ne peut plus parler de réveil. Ce qui y ressembla le plus fut une douleur vive dans la jambe. Hurlant, je vis qu'elle était consumée par un feu terrible, qui se propageait à une vitesse effroyable. Je roulai sur le sol avec toute l'énergie du désespoir, mais le feu fut plus rapide et plus vorace, détruisant peau, muscles, chair et os. Il faisait jour et j'aperçus, debout dans la clairière, un Halfling. Il avait certainement fait fuir les Hommes de Bois, et il allait nous sauver, moi et mon compagnon de sa race ! Et non. Alors que ma jambe brûlait et que je me tordais de douleur, il alla d'abord tirer l'autre Halfling loin du feu, alors que les flammes ne l'avaient pas encore atteint.

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Bobby nous rejoignit par la suite. Il se servait d’un bâton comme béquille, il était blessé à de multiples endroits. Nous libérâmes le maire qui s’assit par terre, épuisé de son enlèvement. Nous parlâmes beaucoup, et il m’expliqua ce qu’il savait de ce nordique. Nous apprîmes qu’il s’appelait Ulfric, et était des Lames Glaciales, une dangereuse organisation d’assassins qui sévissait à l’ouest du Vert-Pays, et un tas d’autres choses. Nous nous approchâmes alors d’Ulfric :

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Enfin, il s'approcha de moi :-Tu as l’air en mauvaise posture, Homme du Nord !!! dit-il d’une voix espiègle. Son visage fin laissait paraître un sourire d’amusement.-Sauve… moi… -J’accepte, à une condition ! Continua-t-il, fier de sa supériorité.-D’accord… tout ce que tu veux !!! Articulai-je, ma jambe noircie ; mes nerfs avaient brûlé, je la sentais moins.Il s’avança alors, me prit par les poignets et me tira en arrière, hors des flammes. Ce faisant, il me dit sa condition :-Ma condition était que tu obéisses à toutes celles que je vais t’énoncer maintenant…-Tu es un sale petit…roublard !!!! -Premièrement : tu démissionnes immédiatement des Lames-Glaciales ! Deuxièmement : Tu ne fais aucun mal à mon compagnon et à Monsieur le Maire !Dernièrement : Tu seras libre de ces engagements une fois rentré chez toi !! Son marché fut terrible pour mon amour-propre, mais dans une telle situation, j’étais prêt à accepter n’importe quoi.J'acceptais son offre. Il semblait le seul à pouvoir m'aider dans cette situation. J'oubliais les Lames Glaciales.

*

Alors que nous nous apprêtions à préparer nos affaires pour le voyage de retour, nous entendîmes un cri à une centaine de mètres de nous : « TRAITRE !!!! » *Ce cri me fit frémir. Pour rien au monde je n'aurais voulu m'attirer les foudres du chef de la Guilde, mon employeur et, de plus, un dangereux assassin. Cette fois, ce fut presque volontairement que je fermai les yeux et retombait à moitié dans le sommeil.

*

Un homme entièrement vêtu de capes noires et possédant une multitude de couteaux s’avança vers nous. Nous nous souvînmes que c’était le type un peu asocial, qui, assit sur une branche, dans Sombreforêt, avait lancé un couteau à nos pieds. Nous réalisâmes que c’était le chef des Lames Glaciales, et qu’il venait punir Ulfric pour le marché qu’il venait de conclure avec nous. Il vit que ce dernier était une fois de plus assommé, et s’adressa à nous :« Maudits semi-hommes ! Par votre faute mon plan a échoué, ma guilde déchue et nombre de mes hommes sont morts par vos actions !!! -Je crois qu’il y a méprise, monsieur… Je n’ai cherché aucun ennui, personnellement… répondit d’une voix tremblotante le maire.-Si vous voulez tuer Ulfric et enlever une nouvelle fois Monsieur le Maire, il faudra nous passer sur le corps !!! dit d’un ton fier Bobby, appuyé sur sa béquille, néanmoins dangereux avec la dague qu’il tenait.-Laisse, Bobby. Ce monsieur n’a pas la notion des bonnes manières. Je ne pense pas qu’il nous laissera regagner le Vert-Pays comme cela. »Je sortis mes dagues, lançait quelques jurons bien choisis à cet abruti de chef des Lames Glaciales. Il avait le sang chaud, et poussa un cri de rage. Il sortit alors une corde se terminant par un couteau d’une de ses poches secrètes sous sa cape et la lança sur la branche d’un arbre. La lame s’y planta. Il courut en arrière pour prendre de la hauteur.

 

*

J'observai tout de même le combat, et voyant mon patron (ou ex-patron) s'enfuir, je décidai de venir en aide au Halfling. J'avais échoué dans ma mission, j'étais viré de la Guilde des Lames Glaciales. Etre retrouvé par le chef ne me mènerait à rien, sinon à une mort causée par un coup de poignard rageur. Je tentai de me lever, afin de lancer un brandon ardent tiré du feu vers les arbres où l'assassin s'était enfui. Je me mis debout et titubai. Je commis l'erreur de m'appuyer sur la mauvaise jambe : celle qui était blessée et brulée. Mon pied (ou ce qu'il en restait) se tordit et de nouveau je m'écrasai lourdement au sol.

*

Le chef des Lames Glaciales avait pris suffisamment de hauteur, et, suspendu à la dague à corde par une main, se jeta dans le vide, ses armes tranchantes dans l’autre. Rapidement, il se trouva à moins de cinq mètres de nous, à pleine vitesse. J’eus un réflexe que je ne saurais toujours pas expliquer aujourd’hui : je posai un genou en terre, levai mon poignard au-dessus de ma tête, la pointe en direction de mon ennemi. Il n’eut pas le temps de lâcher la corde et s’empala contre mon arme. Il laissa échapper un rire sinistre, et mourut en un rictus moqueur. Je dégageai ma dague, gardai la cape du chef des Lames Glaciales en souvenir, ainsi que le bâton du Chaman, et repartit chez moi.

Chapitre 17 : fin de l'histoire au Vert-pays

 

Cette fois, je ne me réveillai pas de sitôt, mais quand je rouvris les yeux j'avais toujours atrocement mal à la jambe droite.« Docteur Débovins, il se réveille, cria une petite voix aigu.- Mince, dit une autre. Accélérez, vite ! »La douleur qui me déchirait la jambe était la plus horrible que j'ai jamais connue. J'avais l'impression que quelque chose bougeait légèrement en-dessous de mon genou, déchirant la peau et les muscles. La douleur était telle que ma vue se brouilla, et je ne pus même pas regarder où j'étais. C'est alors que l'impression de mouvement dans ma jambe s'arrêta.« Ca y est ! reprit la voix aigüe. »La douleur me submergea et je retombai dans le sommeil. Bizarrement, je ne sentais plus ma jambe, sans doute à cause de la douleur.

 

Enfin, cette fois-là, je me réveillai bien. Un peu confus d'abord, car mon environnement ne m'était certes pas familier, mais je me sentais bien. J'étais dans un lit confortable au drap blanc et à la couverture verte, dans une pièce basse de plafond éclairée par une lampe de style raffiné. Jamais, de ma vie, je n'avais vu une maison comme celle-ci. Le lit était étrangement petit : mon pied dépassait de la couverture. Mon pied ? Mais où était l'autre ? Soulevant d'un geste la couverture, je fis alors une désastreuse découverte : ce n'était plus de la peau, mais bien du bois qui prolongeait ma jambe, en dessous du genou. J'entendis alors des voix, et deux Halflings entrèrent dans la pièce.

 

Je compris tout. Pas aussitôt, parce que pour comprendre autant de choses il faut du temps, mais je compris quand même, et ce que je ne devinai pas on me l'expliqua. Les Halflings avaient vaincu le chef de la Guilde des Lames Glaciales et l'avaient tué. Puis ils m'avaient amené au Vert-Pays, une contrée calme et tranquille où ils m'avaient confiés à un médecin. Constatant qu'il ne pouvait pas la guérir, le docteur Débovins avait voulu m'amputer de la jambe avant que je me réveille. A son grand dam (mais surtout à ma plus grande douleur) je m'étais réveillé avant la fin de l'opération. Et ce journal s'arrêtera là. Ulfric Jambe-de-bois (un nom déplorable dont je suis loin d'être fier), incapable de réussir ne serait-ce que sa première mission, rejoindra bientôt ses ancêtres. J'ai longuement réfléchi : impossible de revenir au Blanc-Pays avec une jambe en moins, sinon pour y mourir gelé en clochard par manque de travail (qui, là-bas, voudrait embaucher un unijambiste ?), sans parler du voyage. Les Halflings m'ont offert logement et nourriture pendant quelques semaines, et ils sont hôtes sympathiques et attentionnés, mais je vois bien que je ne pourrai rester longtemps ici. Ce n'est pas une vie pour moi, de travailler les champs toute ma vie avec les petites personnes. Je ne peux plus me battre non plus, encore moins voler ou assassiner, et ce n'est pas cette histoire qui me permettra de vivre, d'ailleurs elle n'a rien d'intéressant ni d'épique, et le Halfling (Robert Grossebière) s'en est attribué tout le mérite. Aussi, c'est décidé : ce soir, les eaux du fleuve qui coulent sous ma fenêtre m'emporteront, et je quitterai enfin cette vie où tout ce que je fais échoue lamentablement. Ce carnet me suivra, donc personne ne le lira jamais. De toute façon ça n'intéresserait personne, je l'ai écrit pour moi-même, pour faire le bilan de cette vie désastreuse.

FIN de la vie et du journal d'Ulfric Jambe-de-bois

 

Le chien !                                               le hais !  

                                              Enflure d'halfling !                                soit pendu !                       J'le tuerai maudit!             Il insulte ma......

 

Note de Robert Grossebière (héros du Vert-Pays, Chef Cantonnier et Aventurier, etc…) :

J’ai trouvé ce journal sur la rive de la rivière des Rapides. Il était ouvert à cette page, la dernière. Ulfric a dû perdre la raison pour écrire autant d’âneries ; l’ouvrage était trempé, il a sûrement écrit la dernière page en se retenant au rivage avant de sombrer dans les flots tumultueux. Ce livre est empli de paroles insensées, mais j’espère qu’il aura sa place à la Bibliothèque de Beaubourg, ne serait-ce que pour ses quelques informations intéressantes sur les peuplades du Nord. On peut également constater la façon vulgaire d’écrire chez cette civilisation.

 

Epilogue : Retour au Vert-Pays :Le chemin du retour se fit plus paisible. Nous confectionnâmes un brancard (toujours utilisé aujourd’hui à l’hôpital de Riveruisseau) pour le nordique, l’amenâmes donc à cet hôpital. Ulfric se fit amputer la jambe, Bobby boita jusqu’à la fin de sa vie, mais devint le conteur préféré du Vert-Pays. Pour ma part, je continuai de voyager et de me balader dans Sombreforêt, désormais vide de toute présence hostile. Le jour de sa sortie de l’hôpital, Ulfric, ne pouvant supporter de vivre manchot, se jeta dans la rivière des Rapides. C’était un jour de fête, et, pour distraire mes invités, je lançai une blague qui allait devenir célèbre et restaurer la réputation de ma famille :« Bah, après tout, ce n’était qu’un Nordique !!! Ne gâchons pas une belle fête pour si peu !!! ». Je retrouvai son journal, qui me permit de rajouter des passages à mon livre. Je n’aspire aujourd’hui qu’au repos et à la paix.

 

 

Robert 

Grossebière         

 

FIN

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